Bruno BELLEC
Né en France en 1965 - Vit et travaille en France
C’est une peinture sans épaisseur, une image sans matière, qui se décline d’une technique personnelle perfectionnée au cours des années. La démarche artistique de Bruno Bellec implique des méthodes aboutissant à des représentations abstraites. Tel l’artiste américain Ellsworth Kelly, la main du peintre ne connaît pas de repentir, elle expérimente la peinture dans un registre rigoureux. Ses premières œuvres évoquaient des paysages de monts vaporeux, des nuées colorées ou encore des tracés de facture picturale, fractale, numérique et mentale. Cette peinture présume nos sens contemplatifs, et pourrait invoquer le mot “shima ” japonais : la montagne silencieuse flottant sur l’écume des vagues. L’œuvre accuse une vision poétique, se libère du grain du papier. Tout en surface et quasi minérale, effleurant la surface de son support, elle éveille les songes de celui qui la regarde, et déplace nos repères visuels sur des images méconnaissables. Une impression d’épanouissement intemporelle rivalise avec les mystérieux secrets qui déterminent l’apparition des motifs ornementaux de la nature. Une appréciation visuelle se lit sur la grille d’un nuancier en textures subtiles, et variant avec l’intensité de l’éclairage du jour. L’artiste démontre par cette démarche laborantine que son art est toujours à réinventer. Pourtant, il ne s’agit pas de considérer que l’œuvre en question est un tableau, ni même qu’il s’agit de peindre. Alors comment parler de cet art sans parler de sa pratique ? Je m’explique, ou plutôt je vais raconter : Bruno Bellec utilise des feuilles de carton et parfois des tiges cotonnées, il prépare encore un mélange de couleurs et d’eau qu’il dépose sur le support cartonné. Ce sont des mouvements souples qu’il transmet par des gestes au papier fort afin d’inspirer des vagues formelles, des aplats ondoyants, voire de provoquer des incidents maîtrisables. Cette pratique n’est pas sans rappeler celle de la photographie, quand le papier sensible est noyé dans le révélateur. Mais l’image dont je parle n’est ni dans le carton ni dans le soluté pigmenté. C’est une image en attente, en rétention, qui comme le bébé de l’expression sera jetée avec le bain. Et c’est bien cette solution colorée qui lèche le carton et s’imprègne en lui. L’eau s’étant retirée, le support ayant séché, l’image repose désormais, telle une mince couche de pollen fixée dans les replis du papier. Il est évident qu’une part d’aléatoire participe à la réussite du projet. Le hasard, pourrait dire l’artiste, est mon outil privilégié. Ainsi certaines pièces sont détruites quand d’autres sont conservées. Le carton ou le papier sélectionnés seront par la suite contrecollés sur une mince feuille d’aluminium, elle-même appliquée au mur. On voit bien ici, comme on a pu le voir lors de son exposition au Creux de l’enfer, à Thiers en 2002, que la peinture est interrogée, dans son approche et dans ses finalités, et qu’il y a aussi une marque de distorsion délibérée dans ces procédés.
Frédéric Bouglé