Bernadette BOUR
Née en 1939 en France - Vit en France
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Bernadette Bour a d’abord fait des études poussées de Philosophie, Lettres et Histoire de l’Art, avant de suivre un cursus complet en Ecole des Beaux-Arts. Ses premières recherches plastiques importantes s’élaborent dans une série de colonnes brisées recouvertes de sisal, où la pureté des formes géométriques est annihilée par l’aspect rugueux, irrégulier, du revêtement.
De 1970 à 1972, l’artiste réalise une série d’éphèbes nus, grandeur nature, sorte de cadavres pompéiens, sculptures de grillage recouvert en partie de papier quadrillé où sur chaque ligne se répète un signe, lettre cursive, trait de crayon ou trou d’aiguille, constituant une écriture rythmique dépourvue de sens. Il y a une tentation minimaliste dans ce travail, Bernadette Bour y cherche avant tout à aller à l’opposé de tout ce qui s’est fait ou se fait, pour exprimer le néant et peut-être trouver au-delà un nouveau départ. Par la suite, son travail montre une continuité dans l’utilisation comme support de matériaux perméables (buvard, grillage, sisal tressé, papier de soie) ou rendus tels par des piqûres, éraflures, déchirures. Ce sont des recherches picturales où entrent en jeu le tactile, le sensible, le visuel… Ces différentes matières sont imprégnées de teintes sourdes, noir, gris bleuté, rose éteint, puis après 1980 d’un jaune lumineux. L’apparition de cette couleur est concomitante de l’abandon d’un format rectangulaire pour une forme déchirée et éclatée. Finalement, le support, le plus souvent papier de soie marouflé sur toile, devient géométrique. A l’image des peintures de Newman, de Rothko, ou des « Shaped canvas » de Stella, il y a abandon de toute introspection ou intuition pour des surfaces nettes et une couleur utilisée en aplat. La notion de centre disparaît et le contour de la toile ne se réfère pas à une forme connue. La monumentalité de l’œuvre influe sur l’espace qui l’entoure, elle en devient une composante et participe à sa réalité plus qu’à son animation.
Cette œuvre appartient à une série dont de nombreux exemplaires furent présentés à la Nationale Galerie de Berlin en 1983 et au Kunstmuseum de Dusseldorf en 1984. L’irrégularité du contour, la présence d’angles internes et externes, conduisent à un effet double d’expansion de la toile dans l’espace et d’intégration de l’espace dans la toile, qui tend à les fondre dans une organicité. L’emploi de la toile libre, réduisant l’épaisseur de l’œuvre au minimum, renforce cette impression d’osmose. Il y a là un refus humble mais décidé de constituer la toile en unité autonome et négatrice ce qui n’est pas elle. Au-delà des points communs que ses investigations entretiennent avec celles de certains artistes américains, l’aspect pauvre et usé du papier de soie qu’elle emploie suggère une fragilité spécifique aux œuvres de Bernadette Bour. L’usage du pli et l’apparition de l’envers, outre les effets de modulation chromatique et matérielle, rendent aussi particulièrement présent l’espace aux abords immédiats du contour, et donnent à la toile une sensibilité d’ordre aérien; comme le souvenir figé du claquement d’un drap dans le vent.