Otis JONES
Né aux États-Unis en 1946 - Vit à Dallas
Les peintures d’Otis Jones sont sobres et intenses, elles agissent telles les formes simples de ce qui, dans l’histoire de l’art, invite le regard à la méditation. Représentations primitives de constellations, totems ou boucliers : leurs formes artisanales et les quelques pastilles de couleur qui les ponctuent n’empêchent pas leur présence puissante. Quatre panneaux découpés en châssis imparfaits, superposés, collés, sont couverts par un disque de bois. Ils sont le corps de l’œuvre sur lequel est agrafée la toile, grossièrement brossée de rouge, sans que ne soient dissimulées les agrafes ni la colle qui exsude ses coulures jaunâtres. Ce pourrait être l’acte d’un ébéniste préparant une maquette, une ébauche, un prototype. C’est une peinture nonchalante en apparence, son rouge intense laissant paraître, par ses ajours abrasés, les manques et la maigreur. Otis Jones a choisi de montrer les choses telles qu’elles ont été faites, dans leur évidence de menuiserie primaire, dans le recouvrement fruste de la surface. Cette frugalité n’a rien d’une facilité. Cet assemblage est une quête de grâce par une légèreté non feinte, tenue par de modestes décisions. Les panneaux n’ont pas tout à fait la même aire, leur superpo-sition dresse un volume légèrement évasé faisant à peine vibrer une sensation de perspective. La surface rouge accueille quatre pastilles épaisses, craquelées, disposées selon une symétrie approximative – deux pastilles blanches, deux pastilles noires. Elles m’évoquent, dans un semblant de cercle, les quatre dernières pierres d’un jeu de go dans une partie désintéressée, sans vainqueur ni vaincu. Comme dans le jeu de go, les règles sont simples, tout le monde peut jouer, tout le monde peut faire, avant que se révèle l’insoupçonnée complexité du jeu. Et l’on se perd en conjectures face à l’élémentaire, presque mystique. Le compte Instagram d’Otis Jones, âgé de soixante-treize ans lorsqu’il réalise cette œuvre, mêle sans hiérarchie ses œuvres aux photographies de celles et ceux qui lui sont proches : ses petits-enfants, son épouse, ses amis. L’art et la vie participent du même monde, la beauté n’est pas grandiloquente. Elle tient à peu de choses, assemblées avec précaution, comme on fait une cabane.
Jean-Charles Vergne