Johannes KAHRS
Né en Allemagne en 1965 – Vit en Allemagne
La recherche de Johannes Kahrs se développe tout autant par la peinture, le dessin, la photographie ou la vidéo. Ses dessins au fusain et au pastel prennent leurs sources dans les images médiatiques. Extraites d’articles de presse par exemple, elles posent d’emblée la question du sens et du possible détournement d’un certain type d’iconographie à des fins illustratives dans le cadre de son transfert vers un contexte lié à l’information et à la présentation plus ou moins objective d’une actualité. Pour Johannes Kahrs, la reprise de ces images s’effectue alors dans le cadre d’une réflexion qui, loin de reposer sur l’unique problématique de la reproduction, prend appui sur le potentiel d’abstraction que contient l’image une fois recadrée et isolée de son contexte d’origine.
Fists est la représentation recadrée d’un torse de boxeur avançant ses gants en signe de protection. Le cadrage très appuyé donne au dessin une valeur d’abstraction forte. La source de cette œuvre est un document photographique datant des années 30 montrant un célèbre boxeur de l’époque, Johann Trollmann. Il est l’un des meilleurs boxeurs de sa catégorie au début des années 30, réputé pour un style de boxe inhabituel, reposant sur un jeu de jambes très dansant. L’arrivée des nazis au pouvoir et la révélation des origines tziganes du boxeur mettront fin à la carrière de Trollmann et le conduiront finalement vers une déportation en camp de concentration dont il ne reviendra jamais. Pendant des années, son nom est oublié, jusqu’à disparaître des registres de son club de boxe de Hanovre. L’utilisation faite par Johannes Kahrs de cette photographie et du fait historique qui s’y rattache est tout à fait symptomatique de la manière de travailler de l’artiste : une photographie, un événement sans importance majeure, mais portant en lui la modélisation d’un contexte complet, pour réaliser une œuvre, presque abstraite, tout autant liée à l’image-source elle-même qu’à la puissance d’abstraction qu’elle porte, la constituant en archétype possible des événements auxquels elle se rapporte.
Jean-Charles Vergne