Étienne CHAMBAUD

Né en France en 1980 - Vit en France

Nourries d’histoire de l’art, de philosophie, de références cinématographiques, les œuvres d’Etienne Chambaud utilisent indifféremment la sculpture, la photographie ou la peinture, croisant sans cesse les références et procédant à de multiples télescopages de genres a priori étrangers les uns aux autres, jouant très souvent de retournements des sujets qu’il explore sur eux-mêmes. Ainsi, il avait dressé en 2004, dans une fosse à singe du zoo de Mulhouse, un parallélépipède noir en aluminium, évocation explicite du monolithe du film de Stanley Kubrick, 2001, l’Odyssée de l’espace, provoquant par cette reconstitution élémentaire une collision contre nature entre le film, la référence à la sculpture minimaliste américaine et la présence de la sculpture au milieu de singes.
Les coloristes coloriées, présentée dans l’exposition Color Suite réalisée par l’artiste au Palais de Tokyo en 2009, appartient à une série de peintures dont le principe consiste à revisiter tant l’histoire de l’art que celle du cinéma. Etienne Chambaud a retrouvé, non sans difficulté, quelques unes des rares photographies datant des années 30 prises dans les ateliers où s’effectuait le coloriage à la main des films noir et blanc, avant que ne soit mis au point le cinéma en couleur. Véritables ateliers de postproduction, ces studios faisaient travailler des femmes qui, avec une infinie patience, ajoutaient de la couleur, image par image, sur les pellicules. La technique sérigraphique utilisée par Etienne Chambaud pour transposer ces images sur toile est bien évidemment une citation directe des techniques employées par Andy Warhol dans la réalisation de ses peintures, de la volonté de mettre à distance le geste du peintre, de la possibilité de reproduire mécaniquement l’œuvre d’art. Poursuivant le geste de Warhol et répondant à celui des ouvrières de l’atelier de colorisation, Etienne Chambaud a ajouté de la couleur sur les visages et les mains de chacune des femmes, colorisant à son tour les coloristes, reproduisant leur geste après avoir fait reproduire la photographie qui les met en scène. Très habile croisement de la peinture, de la photographie et du cinéma, cette œuvre positionne son propos à l’intersection des grands changements technologiques opérés au sein de l’histoire de l’art entre la fin du 19ème siècle et le début du 20ème, sur une période décisive d’un peu plus de 50 ans qui feront basculer la création artistique. Sans la photographie, pas d’impressionnisme et de remise en question du médium peinture. Sans la photographie, pas de cinéma et sans le cinéma, pas de vidéo etc. Cette peinture est aussi une façon de transposer le passé vers le présent, de le rendre plus « réel », car la colorisation d’un document noir et blanc, qu’il s’agisse d’une vieille photographie de famille ou d’un documentaire sur la Seconde Guerre mondiale par exemple, provoque toujours une sorte de déplacement temporel, où ce qui semblait lointain et presque fictionnel devient alors plus proche et plus réel.

Jean-Charles Vergne