Gerald PETIT
Né en France en 1973 - Vit en France
Gerald Petit a longtemps pratiqué en parallèle la peinture et la photographie, dans une confrontation de la peinture vis-à-vis des possibilités technologiques infinies offertes par la photographie numérique et les logiciels de retouche pour démontrer la possibilité de peindre, encore, non pas « malgré » la photographie numérique mais « avec » ou « au-delà » de celle-ci. Ses cieux profonds vibrant sous la lumière faible d’une lune occultée par les nuages, les portraits de sa mère, ou les mains représentées dans d’étranges rituels s’appuient sur les histoires croisées des deux médiums. Les noirs de ses peintures ne sont jamais obtenus par l’emploi de peinture noire mais par l’addition des couleurs de la palette. Les noirs se révèlent, révèlent le sujet des peintures comme se révèle l’image photographique dans les bains chimiques ou comme se révèle toute image numérique par addition de pixels rouges, verts et bleus. Dans les cieux de la série Dark Sky, les couleurs superposées développent le noir de la peinture. Ces cieux crépusculaires n’existent nulle part, leur noir est impossible parce que doté de cette dimension vibratile rougeoyante, bleuissante, verdissante qui leur confère cette profondeur singulière et dont l’artifice se dévoile sur la tranche des châssis laissant apparaître les reliquats et débords des couleurs utilisées. Chaque ciel de la série est une projection mentale, irréelle, provoquée par une addition de gestes qui, comparables à une alchimie, transmuent la couleur en obscurité fuligineuse, transforment la matière liquide de la peinture en une évanescence gazeuse que seule pénètre la clarté blafarde d’une lune invisible. Les cieux de Gerald Petit sont ainsi à considérer comme autant de projections mentales, chargées d’auras oniriques, poétiques ou funestes. La série de peintures figurant des mains, dont trois figurent dans la collection du FRAC Auvergne, trouvent leurs origines dans les études de mains comme ont pu en peindre Nicolas de Largillière au XVIIIe siècle ou Ingres au XIXe siècle. Dans une apparition fantasmatique, une main surgit de l’obscurité de la peinture, présente au spectateur un poisson dont le volume illusoire n’est donné que par celui de la main. Silhouette à peine esquissée, la forme du poisson révèle à son tour l’esquisse d’une seconde main dont seuls les contours saillent à la surface du tableau. Le poisson fantomatique est tendu comme une offrande par deux mains n’appartenant pas au même espace. Il y a passage d’un espace reclus, à peine dévoilé, vers un espace visible qui est celui de la surface du tableau. Cela n’est pas sans évoquer la manière dont étaient tracées, par les chamans, les formes animales couvrant les parois les plus reculées des grottes préhistoriques dans un acte de communion et de communication avec un au-delà du monde, dans le noir absolu des cavités à peine éclairées par une torche. Cette luminescence fugace, prompte à révéler les mystères enfouis d’univers en retrait, se dépose comme une pluie cosmique sur les yeux de la femme représentée par les peintures de la série Black Bird. Hommage rendu à sa mère par l’artiste, Black Bird fait aussi référence au standard By Bye Black Bird composé en 1926 par Henderson & Nixon, repris par de nombreux interprètes et notamment par John Coltrane. Visage aux yeux pulvérisés d’étoiles, oiseau noir des augures antiques, le visage se livre dans l’étrange éclat extralucide d’une voyante, d’une Pythie, d’un oracle.
Jean-Charles Vergne