Jacques POURCHER

Né en France en 1950 – vit en France

«  Pour l’artiste créateur qui veut et qui doit exprimer son univers intérieur, l’imitation même la plus réussie des choses de la nature ne peut être brut en soi. Et il envie l’aisance, la facilité avec lesquelles l’art le plus immatériel, la musique, y parvient. On comprend alors qu’il se tourne vers cet art et qu’il s’efforce, dans le sien, de découvrir des procédés similaires ». Ces lignes de Kandinsky, extraites de son ouvrage Du spirituel dans l’art, publié en 1912, situe précisément le contexte dans lequel l’artiste a conçu la notion d’abstraction. Si l’histoire des relations entre les arts plastiques et la musique remonte à une époque encore bien plus ancienne, le mérite du peintre russe a été d’en formuler une théorie et d’inscrire celle-ci à l’ordre d’un principe créateur, dit de « nécessité intérieure ».
Dans le contexte d’une actualité artistique qui n’a pas toujours la mesure de ses repères, la démarche de Jacques Pourcher relève d’une attitude délibérément inverse. Fondé sur une analyse des principes qui la régissent, son art doit (presque) tout à la musique et, pour l’essentiel, à un certain type de musique, volontiers atonale façon Webern, voire statique façon Ligeti ou Feldman. Dans tous les cas, une musique franchement contemporaine au sens concret et « schoenbergien » de terme. Plastiquement parlant, l’art de Jacques Pourcher se manifeste dans la réalisation de modestes collages de papiers végétaux linéaires. Pour la plupart, leur composition qui est directement déduite de l’expérience tout à la fois sensible et intelligible d’une pièce musicale de référence vise à mettre en évidence des questions de rythmes, d’accords et de longueurs d’onde.
Constituée de quatre éléments au format carré, l’œuvre de Pourcher intitulée Four walls, datée 1997, est directement inspirée de celle que John Cage a composée en 1944. Chacun de ceux-ci présente un fond fait de la superposition d’un très grand nombre de bandes de papiers extrême-orientaux et se trouve délimité sur l’un de ses côtés par une bande plus large, nommée “mur“, dont le fil est perpendiculaire à celui du fond. Tout un jeu de petites bandes horizontales de papier blanc plus ou moins clair et de différentes longueurs interfère en superposition sur le fond de chaque élément ; leur longueur totale de 22 cm fait écho au 22 temps de silence de la première partie de l’œuvre de Cage. Jacques Pourcher applique le même type de processus à la confection de chacun des carrés de sorte qu’il se dégage de chaque élément comme de l’ensemble une grande harmonie et une parfaite unité.
Il en résulte une œuvre d’une extrême délicatesse qui, tout en jouant sur le thème de la variation, en appelle à l’expression d’une intériorité, d’une transparence et d’une attente, dans le silence et le suspens.
Philippe Piguet