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Expositions | FRAC Auvergne

Expositions

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CHRISTINE SAFA

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Musée Paul-Dini à Villefranche-sur-Saône

L’exposition Le Toucher du monde réunit les œuvres du FRAC Auvergne et du musée Paul-Dini, dans un dialogue jouant sur les résonances d’œuvres et d’artistes qui, pour certains, sont présents dans les deux collections. Cette exposition met en relation les œuvres selon des liens qui, parfois, relèvent de familiarités entre artistes, parfois se tissent par échos poétiques ou formels s’inspirant du célèbre jeu enfantin du Marabout (bout de ficelle, selle de cheval, etc.).
Le parti pris volontairement ludique de cette exposition place le visiteur face aux mondes que chaque artiste bâtit de manière intime et que nous sommes invités à envisager dans leur étrangeté, leur singularité, leur langue personnelle. Le propos de cette exposition est de comprendre ce qui se joue là, dans la relation nouée entre l’artiste et le destinataire de son œuvre.
L’un des éléments de réponse est sans doute apporté par Franz Schrader, géographe, randonneur, dessinateur, peintre et cartographe qui, en 1897 lors d’une conférence donnée au Club Alpin de Paris, exprimait son amour des montagnes. Dans cette intervention intitulée « À quoi tient la beauté des montagnes1 », il expliquait comment celles-ci devaient être regardées, dessinées ou peintes : « Pourquoi, comment, à cause de quoi ces montagnes sont-elles si belles ? Première question suivie d’une autre : après tout, qu’est-ce qui me prouve qu’elles sont réellement belles ? Je les trouve telles ; soit, mais n’est-ce pas en moi seul que réside leur beauté ? N’est-ce pas là une chose toute subjective et liée à mon éducation ? ». Il poursuit en affirmant que « celui qui sent une beauté aura toujours raison contre celui qui ne la sent pas ; celui qui voit contre celui qui ne voit pas, celui qui s’émeut contre celui qui ne s’émeut pas. »
L’énoncé de Franz Schrader à propos de sa passion pour les montagnes entretient une enthousiasmante analogie avec ce que devrait toujours être notre relation à l’art et à la culture plus généralement. N’allons pas voir de peinture, de théâtre, d’installations, de films, de danse, ne lisons pas de littérature ou de philosophie dans une quête d’apprentissage. L’apprentissage ne devrait venir qu’en second plan et être précédé d’une quête, bien plus vivante, plus essentielle. Cette quête est celle de l’étreinte, des étreintes avec le monde. Alors, nous devons nous poser les mêmes questions que Franz Schrader et tenter de comprendre « à quoi tient la beauté de nos étreintes » et de tenter de savoir pourquoi sommes-nous parfois touchés ?
« Touché », le mot est important car c’est quand l’œuvre me « touche », qu’elle m’émeut, me meut, déplace en moi les réglages fins de mes sensations, qu’elle s’interpose comme un nouveau filtre entre le monde et ce que je suis. Être touché, c’est sans doute ce qui constitue la quête inconsciente de notre rapport à l’art.

1 – Franz Schrader, À quoi tient la beauté des montagnes (1897), Paris, Isolato, 2009.

Jean-Charles Vergne
Directeur du FRAC Auvergne

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Hors les murs

Beautés

Marcel Proust écrivait que «la vraie beauté est si particulière, si nouvelle, qu’on ne la reconnaît pas pour la beauté», soulignant notre impuissance à savoir la saisir quand elle se présente, surpris de la voir se révéler à retardement, après coup. La beauté est une friction de sentiments contradictoires. L’émoi, la merveille, la poésie et la légèreté côtoient la disgrâce, le périssable, le mélancolique et la gravité. Ce qui apparaissait comme dépourvu de beauté se révèle dans une floraison inattendue, plus subtile que ne le laissait prévoir le sens attribué à cette qualité souvent confondue avec la joliesse. La beauté se dévoile, opaque et nostalgique comme une goutte d’encre noire dans le lait, solaire comme un reflet scintillant à la surface de l’eau, infixable comme le défilement d’un paysage aperçu par la vitre d’un train lancé à toute allure à travers la campagne. Les beautés sont éclatantes autant que déclinantes. Sans doute la lumière faiblissante du crépuscule affleurant les ténèbres convient-elle davantage pour qualifier la beauté et son inéluctable fanaison : le coucher de soleil vespéral est autant le spectacle des bluettes romantiques que l’embrasement sidérant annonçant une extinction.

Acquises par la collection du FRAC Auvergne entre 1985 et 2023, les «beautés» réunies dans cette exposition sont nées des «caprices» de celles et ceux qui les ont créées. Par caprice, il faut entendre l’impulsion, la fantaisie, la générosité et la profusion, il faut éprouver le frisson (capriccio en italien) dont elles ont gratifié les artistes qui les ont imaginées bien avant de nous être données. Pas une beauté mais des beautés, associant leurs contraires dans une indémêlable étreinte. L’harmonieux se joint à la discordance, la magnificence accueille la stridence, le lustre accepte les plis urticants et les fascinantes désintégrations. Les remous d’une assemblée de carpes à la surface d’une mare cadrée par Rinko Kawauchi offrent une beauté déjà menacée par le frémissement d’une fragilité de vitrail ; la lumière d’aube des encres de Claire Chesnier affleure les tourbes originelles en même temps que le devenir boueux du monde ; la composition parfaite de Gregory Crewdson révèle son harmonie à l’aune de la solitude des êtres qui s’y trouvent figés dans une grâce, malgré eux.

Jean-Charles Vergne
Directeur du FRAC Auvergne
Commissaire de l’exposition

 

Ci-contre : Claire Chesnier – 120221 – 2021 – Encre sur papier contrecollé sur Dibond – 173,5 × 137,5 cm – Collection FRAC Auvergne

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Les photographies de Dirk Braeckman sont des vibrations de tons délicatement contenus entre la noirceur absolue d’un poudroiement charbonneux et la blancheur irradiante d’éclats de lampes, de rayons solaires ou d’éblouissements de flashs pulsés. Des noirs les plus opaques aux blancs les plus stridents, la granulosité de la lumière neutralisée par le gris ou par l’extinction crépusculaire de la couleur fait reposer les détails du monde sur une surface d’une matité totale.

Sur un plan strictement technique, ces photographies sont photographiques, c’est indéniable, mais elles s’échappent pourtant du genre et s’imprègnent d’une intonation qui est celle de la peinture. Dirk Braeckman a d’abord été peintre, et cette pratique initiale fut déterminante dans la manière dont la photographie devint ensuite le catalyseur d’un regard de peintre. L’art de Dirk Braeckman ne produit pas d’images car les images n’ont aucune surface, contrairement à ses œuvres dont la granulation importe autant qu’importe la touche d’un peintre.

Une peinture est d’abord le récit d’un regard. Ce que nous voyons des œuvres de Dirk Braeckman n’est pas la prise de vue initiale mais un regard particulier sur le monde où les choses sont appréhendées dans une relation constante avec la remémoration. Ce qui est montré est ce qui a été vu puis, partiellement, voire totalement, oublié. L’acte photographique ne constitue qu’un premier geste de captation destiné à être archivé, parfois durant des années, avant qu’une image ne soit exhumée, comme on exhume un souvenir ancien. L’image est prise, laissée, puis reprise, redécouverte, parfois reprisée, rephotographiée, recadrée ou étalonnée selon une lumière différente – comme se refabriquent nos souvenirs lorsque nous les appelons à nous, dans une authenticité vacillante, voilée par le trouble grisâtre d’une mémoire incertaine.

Il ne s’agit donc pas de rendre compte d’un instant vécu, il ne s’agit pas de produire des instantanés, mais de produire le récit d’un regard, de restituer la façon dont le souvenir d’un lieu sédimente jusqu’à n’être plus un souvenir mais un tableau en soi, un monde refermé sur lui-même se livrant rétrospectivement dans son instabilité, dans son évanescence, dans le léger flottement d’une lumière grise dont les tons demeurent impossibles à fixer dans la mémoire.

 

Jean-Charles Vergne
Directeur du FRAC Auvergne
Commissaire de l’exposition

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DIRK BRAECKMAN – Évidences possibles

Les photographies de Dirk Braeckman sont des vibrations de tons délicatement contenus entre la noirceur absolue d’un poudroiement charbonneux et la blancheur irradiante d’éclats de lampes, de rayons solaires ou d’éblouissements de flashs pulsés. Des noirs les plus opaques aux blancs les plus stridents, la granulosité de la lumière neutralisée par le gris ou par l’extinction crépusculaire de la couleur fait reposer les détails du monde sur une surface d’une matité totale.

Sur un plan strictement technique, ces photographies sont photographiques, c’est indéniable, mais elles s’échappent pourtant du genre et s’imprègnent d’une intonation qui est celle de la peinture. Dirk Braeckman a d’abord été peintre, et cette pratique initiale fut déterminante dans la manière dont la photographie devint ensuite le catalyseur d’un regard de peintre. L’art de Dirk Braeckman ne produit pas d’images car les images n’ont aucune surface, contrairement à ses œuvres dont la granulation importe autant qu’importe la touche d’un peintre.

Une peinture est d’abord le récit d’un regard. Ce que nous voyons des œuvres de Dirk Braeckman n’est pas la prise de vue initiale mais un regard particulier sur le monde où les choses sont appréhendées dans une relation constante avec la remémoration. Ce qui est montré est ce qui a été vu puis, partiellement, voire totalement, oublié. L’acte photographique ne constitue qu’un premier geste de captation destiné à être archivé, parfois durant des années, avant qu’une image ne soit exhumée, comme on exhume un souvenir ancien. L’image est prise, laissée, puis reprise, redécouverte, parfois reprisée, rephotographiée, recadrée ou étalonnée selon une lumière différente – comme se refabriquent nos souvenirs lorsque nous les appelons à nous, dans une authenticité vacillante, voilée par le trouble grisâtre d’une mémoire incertaine.

Il ne s’agit donc pas de rendre compte d’un instant vécu, il ne s’agit pas de produire des instantanés, mais de produire le récit d’un regard, de restituer la façon dont le souvenir d’un lieu sédimente jusqu’à n’être plus un souvenir mais un tableau en soi, un monde refermé sur lui-même se livrant rétrospectivement dans son instabilité, dans son évanescence, dans le léger flottement d’une lumière grise dont les tons demeurent impossibles à fixer dans la mémoire.

 

Jean-Charles Vergne
Directeur du FRAC Auvergne
Commissaire de l’exposition

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Beautés

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