Cette exposition réunit le compositeur de musique électronique James Leyland Kirby, alias The Caretaker, et le peintre Ivan Seal. Ces deux artistes engagent une réflexion commune sur la question de la mémoire, ses errances, ses vacillements, ses dysfonctionnements.
James Leyland Kirby bâtit une œuvre musicale tournée vers l’exploration de ces notions, en s’appuyant sur les analogies qu’entretiennent les techniques de la musique électronique avec les mécanismes cérébraux du souvenir : phénomènes de boucles, de répétitions, montages et remontages anarchiques de données sonores et mémorielles. Avec les six albums d’Everywhere At The End Of Time conçus de 2016 à 2019, il pousse ses recherches sur les symptômes mémoriels en disséquant les différentes étapes menant à la folie. Son alter ego, The Caretaker, se perd peu à peu dans les méandres et les labyrinthes imbriqués d’une mémoire défaillante jusqu’au chaos.
Quant à Ivan Seal, sa peinture s’élabore selon un processus fondé sur le ressouvenir de peintures précédemment réalisées ou de souvenirs lointains. C’est une compilation hybride de souvenirs conscients ou inconscients issus de l’enfance, d’objets ou de peintures qui resurgissent sous la forme d’agglomérats, de montages de motifs provenant de sources diverses.
Cette exposition s’inaugurera quelques jours après l’ultime parution du sixième et dernier volume du cycle Everywhere At The End Of Time, marquant aussi, peut-être, la disparition définitive de The Caretaker, cet avatar créé par James Leyland Kirby vingt ans plus tôt.
Artistes
Vue de l'exposition
Les images sont inadmissibles - Rencontre entre les collections du FRAC Auvergne et du Musée Mandet
La confrontation entre art ancien et création contemporaine est toujours riche de sens. Ces rapprochements sont souvent l’occasion de constater à quel point certaines thématiques ou certains questionnements traversent l’histoire de l’humanité et de ses représentations. Dans cette optique, le musée Mandet accueille, pour la première fois, un ensemble d’œuvres du FRAC Auvergne.
L’exposition se veut une interrogation sur la nature des images, leur fonctionnement, leur éventuel détournement, ainsi que sur les conditions sensibles et psychologiques de leur réception. Il ne s’agit pas ici de prétendre à l’exhaustivité. L’intention est plutôt de décaler nos regards, de tenter d’analyser ce que les images produisent sur nous mais aussi de mieux comprendre comment notre perception et nos déterminismes en modifient le sens à l’heure d’internet, de l’information continue et instantanée, ces questions, très anciennes, sont devenues centrales dans nos débats de société.
Les images sont inadmissibles… C’est certainement le cas si l’on attend d’elles qu’elles soient un calque parfaitement objectif et impartial de la réalité. Sans doute les images sont-elles inadmissibles dans la mesure où elles ne traduisent que très rarement «ma» réalité mais plutôt «une» réalité. Une transmutation s’est opérée. Dans cette sorte d’alchimie, la réalité se trouve nécessairement métamorphosée : quand je suis face à l’image je ne suis pas face au réel. Beaucoup d’œuvres sont par ailleurs décontextua-lisées : dans quel lieu se trouvait cette peinture religieuse ? à quelle époque a-t-elle été créée ? Avec quelle intention a été prise cette photographie et où a-t-elle été publiée ? à qui et à quel lieu était destiné ce portrait ?…
Quelle que soit l’époque, les images peuvent aller jusqu’à la transgression, la subversion et l’on a vu que notre monde contemporain n’échappe pas toujours à leur condamnation. Cette exposition est aussi l’occasion de souligner que, souvent, l’image vaut pour ce qu’elle représente. Faire violence à l’image est déjà porter atteinte à son prototype. Trouver une image inadmissible c’est aussi se positionner face à sa culture, ses croyances, ses convictions… L’image fonctionne comme un miroir, elle me renvoie, de façon plus ou moins déformée, à ma propre identité.
Si les images sont inadmissibles, c’est peut-être que, le plus souvent, leurs intentions définitives nous échappent. La multiplicité de sens que nous percevons en elles fait que les images ont toujours été sujettes à caution. Elles ont pu provoquer la méfiance voire le mépris et susciter des accusations de séduction et de tromperie. Cependant, et l’exposition tente de le montrer, nous ne sommes pas toujours dupes. Face à la fable de l’image, bien souvent, nous suspendons volontairement notre incrédulité. Il existe un pacte fictionnel entre nous et les représentations du réel. Par ailleurs, notre sens critique peut être convoqué par l’image elle-même lorsqu’elle met en scène les ressorts de sa construction et finit par révéler ses propres artifices. Et même lorsque les artistes nous disent «Il était une fois», nous sommes complices et savons que notre croyance dans la fiction de l’image n’est pas totalement aveugle. Si elle est parfois trompeuse et inadmissible, l’image peut être aussi la pierre sur laquelle nous pouvons aiguiser notre conscience du monde.
Xavier Zimmermann
Xavier ZIMMERMANN
Le spectacle du monde
Invité une nouvelle fois à investir les espaces des cuisines du Domaine Royal de Randan, le Fonds Régional d’Art Contemporain a souhaité convier l’artiste Xavier Zimmermann.
Le travail de Xavier Zimmermann est en marge de tout mouvement, de toute école, lui-même ne vient d’ailleurs pas du milieu de l’art, il a tout d’abord commencé par un travail social auprès de jeunes délinquants. Peut-être est-ce de là que lui vient cette volonté farouche de s’adresser au plus grand nombre de personnes, d’être dans un dialogue avec les visiteurs qui voient ses expositions et sa réaction également vis-à-vis du statut de l’artiste qui est, selon lui, magnifié.
C’est en 1994 qu’il s’est fait reconnaître par une série de photographies en noir et blanc représentant des façades de pavillons de banlieue prises de nuit à l’insu de leurs occupants, endormis ou absents.
Ces façades, violemment éclairées, constituaient l’un des points de départ de l’oeuvre en devenir.
Les années suivantes, son travail s’est principalement focalisé sur la question du paysage, comme en témoignent les trois séries présentes dans cette exposition, Paysages français (2002), Paysages ordinaires (2004) et Shadows (2010).
C’est avec la série des Paysages français que la photographie de Xavier Zimmermann trouve sa véritable puissance. Adepte des façades d’immeubles et plus généralement d’un travail sur l’architecture, c’est tout naturellement qu’il aborde le paysage sous une forme rigoureuse, en recherchant l’épure et en laissant la part belle aux ciels gris des régions du Nord. Un changement s’opère avec les séries suivantes, Paysages ordinaires et Shadows, où une forme de sensibilité pour le sujet semble être assumée. Là le cadre est investi par la terre, l’herbe, les feuilles, les troncs d’arbre … Cependant, une même recherche de l’harmonie des détails dans le paysage, un même travail sur l’équilibre des formes qui s’apparente à une recherche picturale, guident le photographe dans l’élaboration de chacune de ses séries.
Pour qualifier son travail, Xavier Zimmermann emploie le terme de « spectacle du monde ». Partir du quotidien des gens et faire en sorte que celui-ci devienne spectacle. Ses déambulations le mènent alors à des instants limites où la prise de vue d’une portion de paysage a priori banal verse miraculeusement dans le sublime.