Les œuvres de Pierre Gonnord entretiennent une relation visible avec les peintres espagnols du passé (Zurbarán, Vélasquez, Murillo ou Ribera), chargeant les visages d’une étonnante présence qui les relie autant à l’histoire qu’elle les propulse dans un futur qui leur accordera une valeur artistique puissante. Quand nous regardons le portrait de Charles VII peint par Jean Fouquet au milieu du XVe siècle, ce n’est pas Charles VII que nous allons voir mais la peinture de Jean Fouquet. Lorsque nous regardons Maria, cette gitane en majesté photographiée par Pierre Gonnord, nous ne contemplons pas une femme que nous ne connaîtrons jamais, mais la survivance de formes picturales pluriséculaires inscrites dans une équivalence avec les portraits classiques conservés au Prado ou au Louvre…
« Bien que mes personnages appartiennent à des communautés ou des groupes sociaux parfaitement définis et identifiables, je ne veux jamais qu’ils perdent leur essence individuelle. Les personnes que je choisis m’intéressent pour leur individualité, leur force morale, leur charisme, leur sensibilité. Genre, âge, traits psychologiques, caractéristiques physiques, degrés de parenté éventuels, sont des paramètres qui guident également mes choix. Avec leurs visages je sonde ma propre humanité, que je retrouve révélée soudain par eux. Toutes les personnes que je photographie ont une foi très ancrée dans leur histoire et sont fortes de leur identité. Je sens leurs yeux sur moi, avec force et intimité, timidité quelques fois, dans une distance respectueuse que j’essaie de restituer dans mes images. Je vois la noblesse de caractère, l’immense sensibilité de certains et des secrets bien gardés chez ceux que j’ai choisis. Je vois sur leurs visages les traces du temps, les marques des générations précédentes. Je suis confronté à l’autre, mais je parle de nous tous. »
Informations pratiques :
Espace d’exposition La Canopée – Siège social du groupe Michelin
23 place des Carmes Dechaux
63000 Clermont-Ferrand
Exposition ouverte du lundi au vendredi de 8h à 20h.
Entrée gratuite.
Collections croisées - Photographies du FRAC Auvergne, du Cnap et du Musée d'art et d'archéologie d'Aurillac
L’exposition Collections croisées réunit des photographies issues de trois collections : celles du Musée d’art et d’archéologie d’Aurillac, du Frac Auvergne et du Centre national des arts plastiques (Cnap). Depuis de nombreuses années, le musée entretient des liens étroits avec ces deux institutions. Le Frac Auvergne présente en effet régulièrement dans les salles des Écuries les œuvres de sa collection lors d’expositions coproduites. Le Cnap, qui constitue pour le compte de l’État une collection d’art contemporain mise à disposition des structures culturelles et administrations françaises, a déjà déposé de nombreuses œuvres au musée : des tableaux et des sculptures du XIXe siècle exposés au sein du parcours permanent du musée mais aussi des photographies contemporaines, dont le musée a fait la demande en 1989. Le Cnap a par ailleurs accordé en 2014 au Frac Auvergne un dépôt important de photographies, présenté en partie à Aurillac lors de l’exposition Photographies – Collection du Frac Auvergne et du Centre national des arts plastiques durant l’été 2016.
En 2021, le Musée d’art et d’archéologie a fait une nouvelle demande au Cnap visant à actualiser le dépôt concédé trente ans plus tôt. Quarante-et-une œuvres ont ainsi intégré les collections du musée pour une durée renouvelable de cinq ans. Toutes ces œuvres sont présentées pour la première fois en intégralité au sein de l’exposition Collections croisées, aux côtés d’œuvres du Frac Auvergne – dont des œuvres du Cnap en dépôt à Clermont-Ferrand –, ainsi que des photographies du musée, principalement les dernières acquisitions effectuées depuis 2020, là aussi exposées au public pour la première fois.
Le parcours de l’exposition s’organise en quatre sections thématiques : le rapport à la peinture et à l’histoire de l’art, l’approche typologique, le paysage politique et la question du récit et de la narration. Dans chacun des chapitres de l’exposition, les collections du musée, du Frac Auvergne et du Cnap sont associées, sans distinction ni hiérarchie, montrant à quel point celles-ci se complètent et se répondent, rendant naturel leur croisement et leur rencontre.
Informations pratiques
Musée d’art et d’archéologie
37 Rue des Carmes
15000 Aurillac
Exposition ouverte du mardi au samedi de 14h à 18h.
LE NOIR NE FAIT PAS LA NUIT
Le FRAC Auvergne poursuit sa collaboration avec la ville de Saint-Flour et présente sa nouvelle exposition « Le noir ne fait pas la nuit » réunissant une sélection d’artistes qui s’emparent de la nuit comme toile de fond de leurs œuvres et explorent ainsi tout le potentiel narratif et la singularité chromatique qui s’en dégagent. Car, contrairement au présupposé associant la nuit à la couleur des ténèbres, l’exposition témoigne de l’incroyable réservoir chromatique et lumineux que recèle l’étendue nocturne et dans lequel les artistes puisent pour donner naissance à des représentations évoluant entre réalité, mythe et fiction.
Dans cette perspective, l’image de la nuit semblable à une étendue totalement obscure ne tient plus. Il s’agit au contraire de porter son regard vers un nouvel espace propice aux apparitions et métamorphoses, comme le précise l’écrivain et peintre Henri Michaux : « Dès que je commence, dès que se trouvent mises sur la feuille de papier noir quelques couleurs, elle cesse d’être feuille et devient nuit. Les couleurs posées presque au hasard sont devenues apparitions… qui sortent de la nuit1 ». Le noir s’affirme non plus comme la qualité invariable de la nuit mais bien comme la condition nécessaire pour révéler couleurs et lumières. Le terme « révéler » est à entendre ici dans son sens photographique. Comme le révélateur en photographie, qui permet de faire émerger à la surface du papier les images photographiques latentes, le fond obscur de la nuit joue sensiblement le même rôle en faisant advenir des intensités lumineuses et des variations colorées, dissimulées le jour par le rayonnement trop intense du soleil.
Ainsi, les couleurs s’affirment pleinement au sein de cette exposition. Tour à tour, elles se font vaporeuses ou incandescentes, les bleus se répondent et se rejoignent pour former le nuancier – réel ou fantasmé – de la nuit, de la douceur du bleu horizon au velouté du bleu luzien chez Martial Raysse et Jean-Charles Eustache jusqu’à la force du bleu phtalo poussé à l’extrême chez Miryam Haddad. Partout, la lumière sourd depuis le fond des toiles ou de la feuille de papier et se module, des premières lueurs crépusculaires (Herbert Brandl) aux éclats fulgurants d’un feu d’artifice (Rémy Jacquier) en passant par le merveilleux scintillement d’une pluie d’étoiles (Marina Rheingantz, Gerald Petit). Le noir de l’immensité nocturne n’est jamais un noir mat, éteint. Il est, au contraire, parcouru de signes lumineux et de reflets chatoyants, comme le rappelle Anne-Laure Sacriste dans une œuvre qui emprunte son esthétique au sublime du romantisme noir du XIXe siècle.
Par sa puissance évocatrice, la nuit offre également les conditions favorables pour faire émerger une poétique qui oscille sans cesse entre fantasmagorie et symbolisme. Cet espace de temps singulier, durant lequel les choses de l’ombre surgissent, charrie en son sein nombre de visions métaphoriques liées à la mort et à l’oubli. Ainsi, le ciel de clair de lune chez Daniel Tremblay prend les allures d’un linceul tandis que la musique de The Caretaker emplit l’espace d’exposition avec des échos lointains comparables aux souvenirs incertains et parcellaires d’un rêve. En mettant en sommeil la raison, la nuit fait advenir un autre visible dans lequel les formes et les contours de notre monde, intérieur ou extérieur, se dissolvent, se métamorphosent, où tout ce qui est connu n’existe plus, favorisant un autre accès au sens.
Laure Forlay
Responsable du service des publics
Commissaire de l’exposition
Informations pratiques :
Halle aux Bleds
Place de la Halle
15100 Saint-Flour
Exposition ouverte tous les jours jusqu’au 18 septembre de 10h à 13h et de 15h à 18h30.
Sur rdv pour les scolaires du 19 au 23 septembre (contact : 04 71 60 56 88)
Entrée gratuite.
Vernissage de l’exposition : jeudi 7 juillet à 18h